Chapitre 4 – Tout en relief : de Knin à Kotor
Chapitre 4 – Tout en relief : de Knin à Kotor

Chapitre 4 – Tout en relief : de Knin à Kotor

Profil du trajet décrit dans cet article. La carte représente les 2121 premiers kilomètres de notre aventure.

A la fin du dernier épisode, on vous avait laissé, du moins virtuellement, à Knin, en Croatie. Depuis, on a bien avancé et l’heure est venue de se plier à l’exercice désormais familier qui consiste à se remémorer les différents éléments de notre voyage, mettre de côté les plus inintéressants pour conserver ceux qui sont tout à fait ordinaires, mais qu’une acrobatie scénaristique rend dignes d’être relatés.

Autour de Kijevo

En quittant l’appartement de Tomislav, notre hôte à Knin, on enfourne nos habits dans nos sacoches, inhabituellement imprégnés d’une agréable odeur de lessive. Juste à la sortie de la ville, on pique-nique en admirant les exploits d’un acrobate perché sur une longue slack-line qui relie les deux côté opposés de la vallée.

La route que nous empruntons alors jusqu’à Kijevo est une sympathique piste, peu fréquentée. A l’exception de notre courte étape sur la côte, les routes croates sur lesquels nous roulons sont souvent désertes. Même sur les routes principales, proches de nos nationales françaises, la circulation est très modeste. Au détour d’un virage, on croise un automobiliste promenant, ou plutôt poussant ses chiens depuis sa voiture. Un peu plus loin, un panneau attire notre attention sur une attraction touristique locale. On part alors explorer la source et le gouffre d’Izvor Vukovic, profonds d’une centaine de mètres, et très intriguants. Ce panneau est le premier d’une longue série. La région semble avoir touché des financements européens pour mettre en avant son patrimoine naturel. Ainsi, des panneaux ont été installés pour expliquer la vie des animaux des Alpes Dinariques, dont le point culminant est tout proche. Cependant, ils ont été disposés directement au bord de la route, à des distances importantes des villages. A part nous, on se demande bien qui s’amuse à lire les textes écrits en tout petit…

La pluie commence à tomber puis à s’accentuer, ce qui rend parfois la route un peu longue. Les gouttes nous cachent la vue, nous font rentrer la tête dans les capuches et nous empêchent donc de discuter. Pour faire passer les kilomètres, on écoute des enregistrements d’Affaires Sensibles, de France Inter. Pendant que Fabrice Drouelle nous raconte l’histoire du micro-état de l’Ile des Roses en Italie, on avance plus vite. On s’arrête pour pique-niquer sous un abri-bus pas trop défoncé et, à peine les affaires sorties des sacoches, le cafetier d’à côté nous propose de venir manger à l’intérieur. Il nous offre un thé et on cuisine au chaud, et à l’abri. Il nous propose même de dormir chez lui mais, étant donné qu’il n’est que 14h, on préfère reprendre la route. En quittant le village, et pour la première fois du voyage, on fait une vraie erreur d’itinéraire. Pour éviter d’exposer les téléphones à la pluie, on tente de mémoriser l’itinéraire sur les 10 prochains kilomètres. Malheureusement, on se trompe. On doit donc rebrousser chemin et rouler derrière un tracteur qui tire une remorque à lisier qui fuit. L’expérience olfactive n’est pas des plus réjouissantes…

Au cours de ces derniers jours en Croatie, on trouve assez facilement des endroits cachés pour bivouaquer. Les différentes infrastructures qui peuvent nous intéresser, à savoir les tables de pique-nique, fontaine d’eau potable ou autres toilettes publiques sont assez peu présentes, et très rarement cartographiées sur OpenStreetMap, la carte collaborative que nous utilisons au quotidien. Quand on tombe sur une table par hasard, on ne manque pas de la signaler afin qu’elle puisse être utile à d’autres voyageurs. Sinon, on se débrouille pour trouver de l’eau dans les cafés. Une fois, lorsqu’on demande à remplir notre poche à eau de 4L, on repart avec une eau au fort goût chloré. On imagine que l’eau doit être rendue potable avec de fortes doses.

Derniers coups de pédales en Croatie

La route que l’on suit longe le flanc ouest de la chaîne de montagnes qui marque la frontière entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Elle monte et descend de manière assez irrégulière, au milieu des vignes. Puis, au fur et à mesure que l’on descend vers le Sud, la Croatie se rétrécit. Sur notre droite, à l’est, s’étendent les montagnes du parc de Biokovo. On y trouve une descente particulièrement rapide : le goudron est lisse, les courbes ont un rayon élevé et la visibilité est bonne. Pendant plusieurs kilomètres, le compteur ne descend pas en dessous de 60 km/h. Sur les derniers mètres, on atteint un nouveau record : 68,3 km/h ! On remonte sur Vrgorac, avant de basculer dans la petite plaine qui marque la frontière avec la Bosnie. La végétation est rase et les arbres absents : on peine à trouver un lieu propice au bivouac. Faute de mieux, on installe la tente sur un petit terrain de foot, pas loin de la route. Alors qu’on dine et qu’il fait nuit depuis un bon moment, on entend deux coups de feu à moins de 50 mètres de nous. 30 minutes plus tard, quelqu’un allume les phares de la Mercedes rouge garée au fond du terrain et commence à rouler dans le chemin boueux qui mène vers notre tente. Par réflexe, et pour rester discret, on éteint nos lampes frontales. La Mercedes fait ensuite halte à notre hauteur. Alors qu’il devient évident qu’on a été repéré par son conducteur, on rallume nos lampes pour ne pas avoir l’air trop suspects. Quelqu’un sort de la voiture, nous éclaire avec une lampe particulièrement puissante, puis remonte dans la voiture et s’en va. Le lendemain, vers 6h, alors que l’on est encore dans la tente, la Mercedes revient, son conducteur fait affaire au fond du terrain et puis repart. Le mystère reste entier.

Passage en Bosnie-Herzégovine

On passe alors la frontière avec la Bosnie sous une pluie battante. Les routes sont remplies du même modèle de Mercedes que celui aperçu la veille, donnant à chacun un air d’agent du KGB des vieux films de James Bond. On roule vers Mostar en choisissant de rester sur la nationale, où la circulation est acceptable. On aurait bien aimé s’aventurer sur les petites routes, mais la pluie risque de les avoir rendues boueuses et cette perspective ne nous réjouit pas particulièrement. Dans toutes les villes que l’on traverse, tout semble indiquer que l’on est encore en Croatie. La langue écrite et parlée est le croate. Même les drapeaux officiels, accrochés aux lampadaires, sont ornés du damier rouge et blanc. A Ljubuski, on fait quelques courses. On doit s’y reprendre à deux fois parce que Luc fait tomber la boîte d’œufs en plein milieu du marché, ce qui amuse beaucoup les commerçants cachés derrière leur tas de poids et leurs balances de Roberval. Après un nouvel achat d’œufs, on s’abrite dans un bâtiment abandonné pour pique-niquer.

On atteint finalement les hauteurs de Mostar où on profite de la vue sur la ville qui, par son côté légèrement encaissé, nous rappelle Grenoble. D’en haut, on aperçoit bien les deux parties de la ville. A l’est de la Neretva, ce sont les minarets qui dominent, tandis que la partie croate, à l’ouest, est garnie de clochers. On se promène dans la partie touristique et on rejoint l’appartement de Zoé qui nous héberge pour la nuit. On discute longuement avec cette expatriée française, qui donne des cours de maths dans un lycée international. On en apprend davantage sur la situation du pays et les conflits entre les différentes ethnies. Le lendemain, on repart visiter la ville en poussant nos vélos. Quelques petites rues pavées sont bordées de vieilles mosquées et de boutiques touristiques, mais beaucoup de bâtiments sont encore en ruine. La rivière qui traverse la ville est très sauvage, transparente et profonde : elle détonne au milieu de l’environnement minéral. On donne à nos chaînes une nouvelle splendeur devant une plage qui donne sur le Stari Most, le fameux pont du XVIe siècle bombardé par les croates, puis reconstruit. En été, la ville organise un concours de plongeon depuis ce mythique pont. La Neretva est un des fleuves les plus froids du monde, les courageux et courageuses s’élancent donc dans une eau à 7°C, en rivalisant d’adresse pour impressionner le jury.

Maryam se fait aborder par un homme d’une quarantaine d’années : « est-ce que c’est vraiment un TX-800, de Fahrrad-manufaktur ? C’est le vélo dont je rêve ! ». Toute fière, elle répond à ses questions pour lui confirmer la qualité de sa bicyclette. Elle s’aperçoit plus tard que le système hydraulique de son frein arrière a urgemment besoin d’une purge. N’ayant pas le matériel pour cet entretien, on part alors en quête d’un réparateur de vélo. Le premier magasin n’a pas le temps de faire la réparation dans la journée, le deuxième a définitivement baissé le rideau et le troisième est fermé pour l’inventaire annuel. En expliquant notre situation, les employés de ce dernier acceptent finalement de faire la réparation dans la journée. On laisse nos vélos, et on part une nouvelle fois explorer la ville. On achète des bureks que l’on déguste au milieu des chats présents en masse dans les vieux quartiers. En attendant que la réparation soit faite, on visite le musée de la guerre et du génocide, particulièrement glaçant.

Une fois nos vélos récupérés, et la réparation payée à un prix imbattable, on quitte Mostar pour aller dormir dans une petite cabane de pêcheurs, sur une presqu’île au milieu de la Neretva. Dans la soirée, on commence un documentaire de la BBC, qui explique pendant 5 heures l’histoire de la dislocation de la Yougoslavie. Le documentaire date de 1995 : ce sont donc les différents protagonistes qui témoignent, racontant les diverses discussions ayant menés aux crimes de guerre qu’ils ont ensuite perpétrés. C’est inhabituel, mais très intéressant et cela a agrémentées soirées pendant plusieurs jours.

Retour des pistes montagneuses

Le lendemain, on s’élève sous la pluie vers un col à 1200m qui nous permet de traverser les montagnes de Prenj. Comme depuis quelques jours, la route est bordée de déchets : canettes, bouteilles, sacs plastiques et paquets de cigarettes jonchent le sol. On est accompagnés par les notes émises par les gouttes qui tombent sur les cannettes en aluminium. Un chien errant qui fouillaient dans les poubelles décide de nous suivre pendant une dizaine de kilomètres, avant de nous abandonner après une pause dans une maison, elle aussi délaissée. Alors qu’elle était déjà forte, la pluie s’intensifie. Dans la montée, deux camions plus âgés que nous peinent à nous dépasser, malgré les nuages de fumée qu’ils dégagent. En arrivant au col, on change de type d’abri : on opte pour une maison en construction pour notre déjeuner. Les deux maçons débarquent d’on ne sait où pour discuter un peu avant de nous confirmer qu’on peut tout à fait camper dans la maison pour se protéger de la météo déchainée. Ils nous font même visiter les différents étages pour nous aider à choisir la pièce la plus adaptée.

Finalement, une fenêtre de météo sans pluie nous pousse à redescendre. Bien que ce soit une « grosse route jaune » sur la carte, la chaussée n’est pas revêtue dans la descente. La piste se transforme en chemin et c’est finalement sur un sentier raviné que l’on fini notre dégringolade acrobatique dans la vallée. Dans ce genre de descente, on hésite entre deux allures. Si on va tout doucement, en étant crispé sur les freins, on peut éviter un à un les différents obstacles et, en cas de problème, aisément mettre pied à terre. Si au contraire, on se laisse filer à des allures plus élevées, notre inertie suffit en général à nous remettre sur la route en cas de déséquilibre. Les deux techniques ont leur avantage, mais l’une des deux est tout de même beaucoup plus amusante. Alors que l’on arrive en bas, trempés et épuisés, on déclare que cette journée a bien trop duré et qu’il est grand temps de se reposer. C’est seulement en ouvrant ses sacoches que Luc se rend compte que le pot de curry s’est ouvert, puis renversé, en imprégnant de son odeur l’ensemble des denrées alimentaires. Depuis, tous les emballages sont parfumés.

Après une nuit sur une berge de la Neretva qui, en toute fainéantise, à fait le tour de la montagne pour nous rejoindre, on repart s’enfoncer davantage dans les hauteurs, sous une météo toujours aussi mauvaise. La pluie n’est pas dramatique, mais elle gâche un peu le plaisir et la vue. Pour éviter de transporter des affaires mouillées dans les sacoches, on se force à remettre les affaires humides de la veille. C’est désagréable, mais on n’a pas trop le choix. De ce qu’on devine entre les nuages, les vallées sont très sauvages : très peu de villages et quelques rares baraquements habités. L’appareil photo de Maryam aimant encore moins la pluie que sa propriétaire, les photos de ces quelques jours ne sont malheureusement pas très nombreuses.

On s’arrête dans le village musulman d’Odzaci pour se restaurer et se mettre à l’abri. A l’entrée du village, une stèle mémorielle liste 240 noms. Les dates de naissance s’étendent de 1920 à 1985, et les dates de mort sont toutes comprises entre 1992 et 1995. D’après le dernier recensement, le village comporte maintenant 80 âmes. On comprend l’ampleur de l’extermination.

Dès qu’on a fait nos courses dans sa maison, l’épicier ferme boutique pour aller déplacer son troupeau de moutons. On pénètre alors dans un petit café dans lequel sont installées deux grandes tables et leurs nappes en plastique. Emmitouflée dans un coin, une veille dame s’éclipse quand résonne l’appel à la prière de Dohr. On a le lieu pour nous seuls. Pour quelques pièces, la tenancière nous sert un café instantané, préparé dans une bouilloire sortie des années 80, installée sur un petit meuble en formica. Quand on lui explique que notre prochaine destination est Kalinovik, elle nous fait comprendre par gestes que la route a disparu dans une coulée de boue, mais que, peut-être, elle ne sait pas trop, on peut essayer de passer à vélo. Il n’y a pas d’autres pistes et il faudrait redescendre dans la vallée et faire un détour de plusieurs jours pour éviter cette route. Un peu plus loin, on demande à un fermier si on peut emprunter la route. De ce qu’on comprend, on peut passer en ayant de la boue jusqu’à mi-cuisse. Ça nous changera de la pluie.

On décide d’essayer le passage. Sur le panneau indiquant les prochains villages, les derniers sont tous barrés. La piste descend et on quitte la partie bosniaque pour entrer dans la partie serbe, orthodoxe. Instantanément, l’eau devient introuvable, alors que les sources et fontaines étaient nombreuses dans le territoire majoritairement musulman. On atteint l’endroit critique de la coulée de boue. Elle a effectivement tout emporté sur son passage. Mais, à notre grande surprise, la route a été comblée pour permettre le passage, et personne ne semble être au courant. On continue donc de pédaler pendant toute l’après-midi sans croiser aucun village. Les seuls signes de présence humaine sont les panneaux signalant les champs de mines de part et d’autre de la route. Malgré la pluie, le dénivelé et les pistes cabossées, on prend plaisir à parcourir cet itinéraire. En France, le fait de choisir les pistes reculées correspond souvent davantage à un caprice de cycliste en soif d’aventures qu’à une réelle nécessité de trajet, puisque les villes principales sont reliées par des infrastructures plus ou moins modernes. Ici, les secousses et les routes perdues font pleinement partie de l’itinéraire et, pour une raison mystérieuse, ça nous plait. Bien qu’il soit protégé de la pluie, c’est à ce moment que le téléphone de Luc rend définitivement l’âme, sûrement à cause de l’humidité ambiante.

Arrivée en république serbe de Bosnie

On atteint Kalinovik à la tombée de la nuit. Au cas où on aurait un doute, les drapeaux serbes sont partout et l’entrée de la ville affiche fièrement la photo d’un “héros” de la guerre. On avait prévu de retirer de l’argent et de faire des provisions. Cependant, le distributeur repéré sur la carte ne fonctionne plus et aucune des 3 épiceries n’accepte la carte. Complètement trempés par la journée de pluie, on pénètre dans le bar au centre du village. Mais parmi la vingtaine de personnes présentes, personne ne parle anglais et n’est capable de nous renseigner. Quelqu’un comprend finalement notre requête et un homme vient nous parler. On devine qu’il nous offre un thé et qu’il nous faut attendre une autre personne. Quelques minutes plus tard, sa fille de 15 ans nous rejoint. Elle parle parfaitement anglais et nous sert d’interprète. On converse longuement et on comprend sa situation. Elle étudie l’anglais dans une ville sur la route de Sarajevo et elle rêve de partir étudier à l’étranger, ce qui n’est pas l’avis de son père qui préfèrerait qu’elle reste dans le village de montagne avec lui. Elle est ravie d’échanger avec des étrangers et on se raconte nos voyages. On devine la fierté de son père qu’elle puisse servir d’interprète, mais il est frustré de ne pas pouvoir participer à la conversation. Pour patienter, il nous présente à ses amis en disant qu’on est des “adventourist”. Depuis, on s’amuse à imaginer nos périples comme de l’aventourisme : selon la situation, la composante d’aventure ou de tourisme prend plus ou moins d’importance. Au bout d’une heure à converser, Ana et son père nous accompagnent tout deux chez un épicier qui sort de son armoire un terminal pour carte bancaire. On fait les courses et on se prépare à quitter la ville pour bivouaquer. Quand on retourne une dernière fois dans le bar pour remplir nos réserves d’eau, on nous demande : « c’est vrai ce qui se dit, vous avez pu payer par carte chez l’épicier ? ».

On pose notre tente à la sortie du village, entre des grands bâtiments à moitié détruits. La nuit est venteuse, et on doit se lever un grand nombre de fois pour replanter les sardines qui ne tiennent pas dans le sol détrempé. Au réveil, on profite avec grande joie des quelques rayons de soleil qui nous permettent de faire sécher quelques unes de nos affaires, qui en avaient grand besoin.

On redescend jusqu’à Foca, par une piste forestière sur laquelle la descente est rapide est peu technique, ça change. Arrivés à Foca, dimanche oblige, le réparateur de téléphone est fermé. Il nous reste des marks à dépenser. On va donc au restaurant et on se régale chacun avec un repas complet, pour un total imbattable de 15€. Pour pouvoir retourner chez le réparateur le lendemain, on bivouaque sur les hauteurs de la ville. Pas de chance, le lendemain, tout est fermé. On comprend que c’est l’anniversaire des accords de Dayton, mettant fin à la guerre en Bosnie. De manière assez éloquente, ce jour est férié uniquement dans la partie serbe du pays. On quitte alors Foca en direction du Monténégro, en longeant une vallée où fleurissent les campings de rafting en raison de la proximité immédiate du canyon Tara, connu pour cette activité. De temps à autre, des câbles traversent la vallée pour permettre d’installer des tyroliennes. C’est tentant, mais on a pas pas de matériel avec nous…

Cette rivière correspond à nos derniers kilomètres en Bosnie. On quitte le pays un peu frustré de ne pas mieux l’avoir découvert, en particulier à cause de la météo. Cependant, les reliefs de la Bosnie, aussi géologiques que politiques, nous donne envie de revenir, afin de mieux comprendre ce qui s’y vit. La fin de la Bosnie marque également la fin des mines sur notre route. Même si ce n’est pas particulièrement dangereux si on est vigilants, c’est tout de même appréciable de pouvoir aller aux toilettes en dehors du chemin, sans se demander si le sol va exploser à chacun de nos pas.

Le long de la Drina

On passe la frontière avec le Monténégro sur un pont de bois dans un état assez effrayant. La suite de la route, vers Pluzine, est à flanc de vallée. Les tunnels et pont s’enchaînent. L’atmosphère est nuageuse mais le cadre est grandiose : l’eau de la rivière est d’un bleu particulièrement lumineux. Sur les falaises, des conifères s’accrochent aux différentes vires. Quand le tracé de la rivière dessine un méandre, les plans s’enchaînent et la silhouette des arbres se détache devant le gris des falaises.

On atteint finalement Pluzine mais on peine à y trouver un endroit pour bivouaquer : les pentes sont trop fortes. On avise quelques locaux pour demander l’accès à leurs jardins, sans grand succès. On continue donc la route et on passe un petit col de nuit. Dans la redescente, on tourne à gauche et on rejoint un monastère qu’on avait préalablement repéré. Le parking est désert : on y plante la tente, et on mange quelques tartines de Ajvar. Depuis qu’on a découvert cette merveille, que l’on trouve partout dans les Balkans pour vraiment pas grand-chose, on en mange au moins une fois par jour, en tartine ou en sauce dans les pâtes.

La nuit est très fraîche. Le lendemain matin, à cause du vent froid, on peine à faire chauffer les 2L d’eau de notre petit déjeuner. On remplit chaque matin un thermos de 800 mL, servant aux thés ou cafés de la journée, et le reste de l’eau sert à nos cafés et nos bouillies de flocons d’avoine. Nos réserves de gaz commençant à devenir faibles, on n’insiste pas sur le réchaud et on se contente de cafés tièdes. De plus, la poche à eau a toujours le goût chloré de la Croatie, et il imprègne l’ensemble de nos boissons. Alors qu’on range notre petit déjeuner, un chasseur vient nous voir. Il nous explique avoir renoncé à chasser le pigeon car il avait vu notre tente et ne voulait pas nous réveiller. On comprend également qu’il souhaite nous inviter à boire la rakija dans sa cabane. C’est très gentil mais on décline.

La pluie recommence à tomber alors qu’on prend la direction de Niksic, la deuxième ville du Monténégro. On s’élève de nouveau jusqu’à 1000 mètres, où on trouve de la neige sur le bord de la route. La pluie s’accentue et le vent souffle de plus en plus fort. Dans la descente, nos sur-gants perdent leurs imperméabilité : avec la vitesse et le froid, on est frigorifiés. Malgré la faim, on décide de pédaler jusqu’à la ville la plus proche pour s’y abriter. Alors qu’on roule sur une belle route sans gravillons, le pneu arrière de Maryam qui avait résisté aux pistes bosniennes (c’est dire…) nous gratifie d’une belle crevaison. On répare sous la pluie, au bord de la route. 5 km plus tard, c’est au tour de Luc de crever. Avec l’habitude, notre procédure est optimisée. Il nous faut moins de 5 minutes pour décrocher toutes les sacoches, retourner le vélo, retirer la roue et démonter le pneu, changer la chambre à air et reprendre toutes les étapes précédentes dans l’ordre inverse. Lorsqu’on atteint Niksic, on se perd de vue au niveau d’une intersection. Luc n’ayant plus de téléphone et Maryam pas de réseau au Monténégro, les problèmes peuvent vite arriver. Heureusement, on a convenu d’opter pour la stratégie suivante, assez basique : en cas de problème, rendez-vous au dernier endroit où on s’est vus. On se retrouve rapidement et on finit notre route dans la ville, dont les rues sont complètement inondées par la pluie diluvienne. On s’abrite dans la gare de la ville. L’ensemble de ses horaires tient sur une petite feuille A4 affichée sur la porte. Chaque jour, il y a 5 trains aller-retours pour Podgorica. Et c’est tout. Affamés, notre pot de Ajvar descend à toute allure, pendant que le personnel de la gare vient régulièrement éponger les flaques d’eau qui s’étendent sous nos chaises. Quand le train arrive en gare, tout le monde se lève, sauf nous. Pensant que l’on va rater notre train, une jeune femme vient nous chercher. On lui explique alors que l’on est ici que pour le chauffage.

Afin de ne pas abuser de la situation, on traverse la rue, dont les caniveaux se sont transformés en lac pour rejoindre le bar d’en face. Grâce au wifi, Luc trouve une boutique dans laquelle il peut trouver un nouveau téléphone pendant que Maryam cherche une solution pour passer la nuit. La météo rend le bivouac impossible : tous les sols plats à proximité sont inondés. On a juste le temps de contacter quelques membres de Couchsurfing avant que l’électricité ne saute. Après la coupure, on découvre soulagés la réponse de Stefan, qui accepte gentiment de nous héberger pour la nuit. On le rejoint au dernier étage de son immeuble du centre ville. Nous voyant arriver complètement trempés, il nous demande de ne prendre que le strict nécessaire à l’intérieur et de laisser le maximum sur son palier. Pendant que Maryam se douche, il explique à Luc qu’il déteste l’humidité et l’odeur du mouillé. Afin de préserver sa sensibilité, l’ensemble de nos affaires passe la nuit dans la cage d’escalier.

On s’élance ensuite vers le sud du Monténégro, après une quête infructueuse de rustines et de gaz dans les magasins. On roule sur une route assez importante mais peu passante, au milieu d’un plateau calcaire. Les dépassements des automobilistes sont relativement respectueux, mais on repère tout de même l’unique néerlandais de la journée, grâce à la grande distance de sécurité qu’il conserve en nous doublant. Lors d’une pause dans un petit village, un chauffeur de bus vient nous voir. Il est persuadé de nous avoir vus sur la route entre le Kosovo et Podgorica (nous n’y sommes jamais allé), en train de faire une pause cigarette (nous ne fumons pas). Cependant, notre maîtrise du serbo-gestuel est insuffisante pour lui expliquer que sa théorie est doublement impossible. Pendant que l’on déjeune, et alors que tout est calme, une partie de la maison en piteux état qui nous fait face s’effondre. Alors qu’on avait l’intention d’explorer une maison abandonnée, on revoit nos priorités.

Après deux jours au milieu de ces paysages montagneux, segmentés de nombreuses crevaisons, jusqu’à ce qu’on trouve l’épingle coincé dans le pneu arrière de Maryam, on atteint la baie de Kotor. Le cadre naturel est splendide : les montagnes sont abruptes et tombent directement dans la mer d’un calme absolu. On trouve quelques mètres carrés de plat au pied d’une ancienne tour datant de l’occupation austro-hongroise de la zone. On a une vue imprenable sur la mer et même les nombreuses carrières n’arrivent pas à défigurer le paysage. On profite de la nouvelle lune pour faire quelques photos nocturnes avant de dévaler la pente le lendemain matin en direction de Kotor, que l’on visite au milieu de nombreux chats et touristes allemands.

En bonus : démontage du camp au dessus de la baie de Kotor

Envie de rester au courant ?

Inscrivez-vous pour recevoir un mail à chaque nouvelle publication sur ce blog.

9 commentaires

  1. CYCLOHC

    Eh ben ! moi qui hésite à sortir lorsqu’il tombe quatre gouttes !!…Je dois être comme Stephan…
    J’ai bien aimé également la petite séquence vidéo : quelle rapidité !!

    Quelle belle aventure ! Je me régale à vous suivre.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *