Du calcaire au granit
Du calcaire au granit

Du calcaire au granit

“Cantalons-nous dans le Cantal ?” Drôle de slogan touristique, que nous avions en tête au moment d’entamer l’itinéraire du week-end de l’Ascension. En effet, les deux compères de braves-jantes étaient inscrits pour courir un trail à Salers, en bonne compagnie familiale. La course étant prévue le samedi, le pont de l’Ascension laisse deux jours pour rejoindre le Cantal depuis la Drôme. Pourquoi ne pas les faire à vélo ? Un petit détour par la SNCF pour trouver un train qui nous évite un trajet déjà pratiqué (la Dolce Via pour les connaisseurs), et l’itinéraire est tout prêt. Départ prévu depuis Bollène-La Croisière le mercredi soir, pour un peu plus de 300 km et 4400 m de dénivelé positif, direction l’ouest du Cantal.

Dès le mercredi soir, on est sur la route. On quitte la vallée du Rhône, qu’on commence à bien connaître, en traversant quelques jolis vignobles et, après 10 km, on fait un petit crochet par Aiguèze pour notre premier pique-nique. On se perche alors sur les hauteurs d’un des “plus beaux villages de France” pour surplomber l’Ardèche et ses méandres, avant de sortir des sacoches le festin prévu : tartines de pain de mie à la ratatouille en conserve. En effet, au moment de faire les courses, les rayons de l’Intermarché étaient complètement chamboulés et nous n’avons pas pu nous procurer les habituelles soupes et sauces lyophilisées… il a donc fallu se montrer novateurs ! On reprend assez vite la route pour une demie-heure et, au moment où elle commence à s’élever, on aperçoit un espace propice à l’installation de la tente. On se niche au creux d’un virage, sur une dalle calcaire bien dure. La parfum de thym environnant est si fort qu’on ne résiste pas longuement à la tentation de ramasser quelques herbes autour de notre bivouac pour se concocter une petite tisane.

Le lendemain matin, la route continue à s’élever tranquillement, même si on ne dépasse guère les 200 m d’altitude. Les vignes des côtes du Rhône ont laissé place à des céréales et des vergers, principalement de cerisiers. On préfère rouler au milieu de ces derniers, qui nous offrent une agréable protection au Mistral. On alterne entre le Gard et l’Ardèche. Lors d’une pause goûter au début d’un petit col, on se fait doubler par un groupe d’une quinzaine de cyclistes du jeudi sur des vélos de course rutilants. Un petit tour sur la carte montre que la côte à venir n’est pas longue, Luc se met donc en tête de faire la course avec eux dans la montée… Une fois en haut, les plus rapides de nos éphémères compères charrient ceux des leurs qui furent moins véloces dans l’ascension : “Tu as vu son vélo ? Il est sacrément chargé : 30 kilos qu’il m’a dit le jeune… tu devrais avoir honte !” (à prononcer, bien évidemment, avec un accent chantant, en particulier le “treennte”). Les battus rétorquent que ça fait déjà quelques années qu’ils ont les 30 kilos dans la bedaine… Rire général et on se quitte bons amis en entamant la redescente, puis la remontée sur Les Vans.

Dès la sortie de la ville, le paysage change de visage. On commence à longer le Chassezac, rivière ardéchoise sur laquelle sont construits plusieurs barrages hydroélectriques. Les paysages ouverts laissent place à des châtaigniers à perte de vue. Les douces collines se transforment en une vallée encaissée, dont les flancs laissent apparaître des couches de granit. Ce changement rocheux signale notre entrée dans le Massif Central : on vient de traverser la ligne de rupture entre les couches sédimentaires, dominantes autour de la vallée du Rhône, et la gigantesque masse cristalline que constitue le Massif Central. Les pentes abruptes laissent deviner d’anciennes terrasses en pierres sèches, abandonnées. L’histoire plus récente a aussi laissé des traces : les grands bâtiments squelettiques, vestiges du passé industriel de la vallée, où on moulinait la soie. Malheureusement, de nombreux panneaux d’EDF nous interdisent d’y descendre. Les fréquents lâchers de barrages se voient d’ailleurs aux arbres couchés dans le lit de la rivière. Cela nous dissuade de nous approcher, mais on déniche un coude dans un affluent, propice à un déjeuner et à une baignade à l’abri des regards.

Arrivés à Pied-de-Borne, il faut quitter la rivière, s’extraire des gorges et monter jusqu’au plateau du Massif Central. On emprunte alors la côte la plus raide du trajet, pour passer de 300 m d’altitude à un peu plus de 1100 m, et faire notre entrée en Lozère, où on change une nouvelle fois d’ambiance. Adieu les châtaigniers, bonjour les vaches et les conifères. On débouche sur de vastes prairies, balayées par de fortes rafales de vent. Ce qui nous frappe le plus est l’absence totale d’habitation ou de bâtiments. On savait bien que la Lozère était le département le moins dense de France, mais on ne pensait pas pouvoir rouler pendant plus d’une heure sur des routes de campagne sans voir aucune ferme…

Prairies et forêts en Lozère

Après une ultime côte, on commence la descente. Nos efforts sont récompensés par un sublime coucher de soleil sur les monts du Cantal. L’objectif est en vue ! On plante notre tente non loin du lac de Charpal, et on tombe vite épuisés des 3000 m de montée et des 120 km avalés dans la journée.

Le lendemain matin, le réveil nous sort des sacs de couchage à 7h : il nous reste 160 km de route avant l’arrivée. On continue notre cheminement jusqu’à Saint-Chély d’Apcher, en faisant un yo-yo continuel entre 1000 m et 1100 m d’altitude. La notion de plat semble bien étrangère aux plateaux de Lozère… Le village de Saint-Chély d’Apcher nous déçoit fortement : on espérait y trouver un banc sur une place pour faire une petite pause et rien à faire, tout est gâché par l’omniprésence automobile. Des places de parkings à perte de vue nous poussent à continuer notre route à travers la campagne jaunie par la floraison des genets. On quitte alors la Lozère pour rejoindre le Cantal et on passe au pied de l’imposant viaduc de Garabit, avant de rejoindre Saint-Flour pour la pause de midi. Pendant qu’on déguste notre repas, de jeunes pompiers s’entraînent juste à côté à manier la lance à incendie vers la rivière. Chacun y va à son tour et les passages finissent invariablement en bataille d’eau, dans la joie et la bonne humeur. Après une bonne côte pour sortir de Saint-Flour, on goutte à nos quelques kilomètres de plat, qui donnent à voir de jolis châteaux et des villages minuscules. Dans l’un d’entre eux, il est indiqué qu’une petite maison de village à servi d’école municipale jusqu’aux années 1980 !

On grimpe enfin jusqu’à Dienne à travers la forêt avant l’ascension finale des célèbres pentes du Pas de Peyrol. Il ne nous reste alors plus qu’à nous laisser glisser jusqu’à Ally, où le repas familial nous attend. Après ces 300 km, on est arrivés à l’heure pour la course du lendemain : les 18 km courus ne furent pas les plus rapides de l’histoire, mais donnèrent un bon prétexte pour se reposer le reste du week-end !

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